Talking to the moon - Evie

Mon retour ne s'était pas passé sans... comment dire... il n'avait pas été de tout repos. Entre ce satané pique-nique où ma fratrie m'avait obligé à y aller... entre la rencontre avec Miss Kennedy, entre le fait que nous étions perdus dans ce foutu labyrinthe par sa faute... non rien n'avait été facile. Inutile de dire que tout me rongeait de l'intérieur, j'avais l'impression d'être un fantôme entre les murs de Lakwell Hall, notre demeure familiale. C'était d'un ridicule, j'avais parcouru ces couloirs, j'avais observé ces murs des milliards de fois. Désormais, tout était à moi. Tout. Tout était à moi et j'étais l'homme de la maison. Cela semblait tellement plus facile lorsque Père était encore vivant. Je n'avais à me soucier de rien sinon de ce que je pourrais faire le lendemain, de la prochaine course, du prochain match de polo... Du prochain cigare que je pouvais prendre dans un club. Rien de bien important, juste des futilités, comme aurait dit peur. Je dois lui donner ce qu'il a fait. Il a fait de moi un homme, il m'a instruit, il m'a donné les meilleures opportunités. Seulement, cela aurait dû être mon frère qui soit le premier né et non moi. Il était davantage taillé pour être un lord, pour être un homme du monde. Je me retrouvais désormais avec la responsabilité d'être à la Chambre des Lords, d'administrer mon comté et mon duché et m'assurer que ma mère, mon frère, sa femme et ma soeur soient confortables et rayonnants de bonheur? L'envie de reprendre la mer comme des années auparavant avec la Navy se faisait de plus en plus sentir.

Sous prétexte de devoir régler des dossiers importants, je passais le plus clair de mon temps enfermé dans mon bureau, ne sortant que pour les repas. Je me doutais bien que Mère avait vu clair dans mon jeu. À la voir et surtout comment elle avait prononcé mon nom entier en plus de froncer légèrement les sourcils lorsque je partais à grands pas vers mes affaires, elle avait compris que je me cachais. Du moins à moitié. Mon frère avait accompli un travail plus qu'exceptionnel durant mon année d'absence, mais je devais reprendre le contrôle et comprendre tout ce qui se passait. Donc oui, je passais un peu de temps à... comprendre les finances, comprendre les actions, comprendre ce qui s'était passé. Disons que l'autre portion du temps, je la passais à lire.. à dessiner, à prétendre que j'étais occupé. Je redoutais de faire face à ma famille plus que de raison. Peut-être que j'avais tort. Ma soeur était très compréhensive. Mon frère, peut-être un peu moins. Sa femme? Malheureusement nous avons eu des présentations formelles mais sans plus. Et ne parlons pas de Mère. Clairement, je me sentais seul. Terriblement seul.

Mais ce soir... ce soir allait être différent. Voilà quelques jours que je faisais très attention de me renseigner sur cette nuit. Des conditions idéales pour observer les étoiles et avancer mon dernier projet. Avec un sourire un peu coupable, j'ouvris le deuxième tiroir de gauche de mon bureau et en ressorti cette petite carte des étoiles qui était devenue mon passe-temps dans les dernières nuits. Alors que tout le monde dormait,  l'on disait que les souris dansaient.... C'était peut-être mon cas. La nuit, le temps que j'observe les étoiles, il s'agissait de mon petit havre de paix. Mon petit moment à moi... Rien qu'à moi.

Je dépliais le parchemin, faisant des gestes lents et calculés afin de ne pas l'abimer et j'inspectais rapidement mes derniers dessins, repassant mon doigt sur les traits d'encre avant de le ranger de nouveau dans son petit étui. Ce soir... ce soir j'allais pouvoir raffiner mon oeuvre. Ce soir, j'allais pouvoir me perdre dans la beauté des astres. Ce soir, je serais en paix.

Fermant la porte de mon bureau à pas de loup, je m'avançais tranquillement et silencieusement dans le couloir, attendant le moindre bruit m'indiquant que ma mère ou un de mes domestiques sur ordre de ma mère, m'aurait tendu un piège. Voyant que le silence répondait au vague son de ma respiration, mon coeur se détendit et je poursuivis mon chemin. Ravi, même plus que ravi, d'avoir installé mon matériel de manière définitive dans une des plus belles salle de la ville, à savoir la bibliothèque, je poussais délicatement la porte pour la refermer derrière moi. Posant la bougie allumée que j'avais amené avec moi, je jetais un coup d'oeil rapide aux alentours avant de sourire. L'endroit était aussi noir que l'encre et visiblement tout aussi désert. Je n'aurais pas de problèmes.

Tel un enfant, je m'efforçais de marcher sans faire de bruits alors que j'avais envie de sourire et de rire face à mon petit coup d'éclat. Ravi de pouvoir m'abandonner dans un de mes hobby favoris. J'allumais quelques points de lumières, voulant éclairer la pièce afin de m'assurer de ne pas causer d'accidents avant de commencer à me pencher sur mon téléscope. M'assurant que personne ne l'avait dérégler, je passais rapidement la main dessus, le replaçant et le réajustant rapidement afin de pouvoir....

Mon attention fut rapidement détourné par un léger bruit... Tout petit. Léger. Une porte qui semblait s'ouvrir. Je me figeais rapidement, sentant mon coeur s'affoler dans ma poitrine.Je n'avais pas envie d'avoir cette nouvelle conversation... Je me retournerais donc d'un geste vif, mais plissant les yeux et ne voyant rien, je ne pouvais pas distinguer qui venait d'entrer.

«Ne me faites pas la morale par pitié mère, un homme peut s'adonner à ses loisirs, surtout lorsque ceux-ci sont sains. Vous devriez retourner dormir. Il est tard. Et j'ai la tête pleine de chiffres. Alors par pitié.. et je lui tournais le dos de nouveau. Je ne pouvais savoir si cela était  réellement elle. Après tout, je ne voyais rien, enfin presque rien. Mais il n'y avait qu'elle pour faire interruption dans la bibliothèque à cette heure, si?